Valeur
test On entend habituellement par valeur « l’intuition selon laquelle certains comportements, ou certaines choses valent mieux que d’autres, sont supérieurs ou inférieurs, et sont donc pris dans une hiérarchie »[1]. Il s’agit ainsi d’un concept large que l’on retrouve dans plusieurs champs d’études. Par exemple, l’éthique, cette branche de la philosophie s’intéressant aux valeurs attribuées aux comportements humains et aux règles de conduite adoptées par certains groupes ou cultures, traite surtout des notions de « valeur sociale » et de « valeur collective »[2], tandis que l’esthétique considère plutôt les valeurs dans leur perspective artistique (le « beau », le « laid », le « sublime », etc.)[3].
Sans surprise, l’archivistique s’intéresse plus particulièrement aux valeurs que l’on attribue aux documents. Ces valeurs correspondent rarement à des attributs objectifs ou universels ; au contraire, c’est souvent le rapport qu’entretient un individu avec un document qui lui conférera sa valeur. Ainsi, pour deux personnes, le même document peut avoir une valeur très différente, soit-elle de l’ordre de l’information, de l’esthétisme ou de l’affect.
La notion de valeur est étroitement liée à la théorie du cycle de vie documentaire, outil conceptuel important de l'archivistique contemporaine, puisque c'est sur la base du type de valeur prédominant d'un document qu'on lui conférera le statut « actif », « semi-actif » ou « inactif ».
Les valeurs des archives
La valeur d’un document d’archives peut renvoyer à une multitude de propriétés : d’âge, d’usage, d’authenticité, esthétiques, symboliques, marchandes…. Dans tous les cas, c’est en raison de sa valeur qu’un document intègre les archives et se distingue de la simple paperasse, et c’est donc sur cette base que se fera son évaluation, laquelle décidera de son sort final (conservation ou destruction).
Valeurs primaire et secondaire
Les concepts de valeurs primaire et secondaire furent introduits par Theodore R. Schellenberg[4]. Ce dernier départagea la valeur administrative d’un document, c’est-à-dire la valeur pour laquelle le document fut créé et est utilisé par une organisation, de la valeur historique que prendra le même document par la suite (valeur secondaire). Comme le soulignent toutefois Christine Pétillat et Hélène Prax, il est faux d’affirmer que la valeur primaire est inversement proportionnelle à la valeur secondaire d’un document ; ces valeurs peuvent fluctuer indépendamment l’une de l’autre[5]. La valeur primaire d’un document ne s’épuise donc pas au fil du temps, et peut resurgir plusieurs années après que celui-ci soit tombé dans la désuétude, tout comme un document peut voir le jour avec une valeur secondaire déjà importante.
Valeurs de preuve, d’information, et de témoignage
D’un point de vue fonctionnel, on peut isoler trois types de valeurs associées aux archives : valeur de preuve, valeur d’information, valeur de témoignage. La valeur de preuve renvoie à la « qualité qui fait des archives des témoins privilégiés et objectifs des composantes de la vie de la personne physique ou morale qui les a constituées » et regroupe les aspects administratif, légal, financier et historique entourant le contexte d’utilisation du document[6]. La valeur d’information, quant à elle, réfère à la « qualité […] qui, indépendamment de toute autre considération, par le seul fait de son existence, atteste d’une ou de plusieurs informations qu’il renferme »[7]. Finalement, on entend par valeur de témoignage la « qualité que possèdent certains documents fondée sur leurs utilités secondes ou scientifiques ainsi que sur les caractères de témoignage privilégié, authentique et objectif ou d’information générale qui y sont contenus »[8]. Ces valeurs ne sont pas mutuellement exclusives et peuvent être présentes dans un même document. De plus, un document peut servir à l’une ou l’autre de ces fonctions à n’importe quel moment de son cycle de vie ; il faut donc se garder d’associer de trop près sa valeur fonctionnelle à sa valeur primaire ou secondaire, puisque celles-ci sont indépendantes l’une de l’autre.
Notes et références
- ↑ Cyril Arnaud, « Prolégomènes à l’axiologie. Définition provisoire de la valeur », Axiologie, 2012, (page consultée le 28 avril 2014).
- ↑ « Ethics », Random House Unabridged Dictionary, 2014, (page consultée le 28 avril 2014).
- ↑ « Aesthetics », Random House Unabridged Dictionary, 2014, (page consultée le 28 avril 2014).
- ↑ Modern Archives Principles and Techniques, Chicago, University of Chicago Press, 1956.
- ↑ « Les archives contemporaines ou l’arrivée du flux au quotidien », La pratique archivistique française, Jean Flavier éd., Paris, Archives nationales, 1993, 238.
- ↑ Marlène Gagnon, « Glossaire », Les fondements de la discipline archivistique, Jean-Yves Rousseau et Carol Couture éds., Québec, Presses de l’Université du Québec, 293.
- ↑ Idem.
- ↑ Ibid., 294.
Bibliographie complémentaire
- Les valeurs archivistiques : théorie et pratique (actes du colloque organisé conjointement par la Division des archives et le Programmes d’archivistique de l’Université Laval, Québec, 11 novembre 1993), Québec, Presses de l’Université Laval, 1994.